À corps et à coeur captifs

attente

Une nouvelle période de relations interrompues et me voici plongé à nouveau dans une tristesse souterraine. Pour une seconde fois, je l’apprivoise avec la poésie.

Quand je ressasse ce printemps
Où tu es entré dans ma cour
Mon cœur, soudain, devient brûlant
La joie me paraît de retour.

Un bref instant et le chagrin
Reprend sa place au quotidien
En suppléance de ta présence
Que m’a volée l’adolescence.

Tu fus toujours bien différent
Et te croyais si important
Tu as grandi restant en marge
En profitant de ton air barge.

J’espérais que tu trouves ta voie
Mais jamais on ne m’a montré
Qu’avec le temps un tel fossé
Allait te distancer de moi.

Malgré l’apport de tant d’experts
Et mes efforts renouvelés
Je n’ai su te garder rivé
À mon cœur attristé de père.

Plus tu t’éloignes à coup de frasques
Et plus je m’accroche à tes pas
Je revois ton p’tit air fantasque
De t’aimer ça ne m’arrête pas.

Je m’effraie de l’enfer qui vient
Par l’entêtement de tes choix
Tu as bien le droit de faire tiens
Les drames qui se préparent pour toi.

En vérité si je te suis
Ce n’est pas de moi que tu fuis
Mais de ton être abandonné
Par ceux qui auraient dû t’aimer.

Si ton corps en a la mémoire
Qu’il se rappelle le temps d’après
Quand tout ton être se fondait
En celui qui te rassurait.

Un jour je le sais, je le sens
De tes pensées tu guériras
Tout alors sera différent
Et ton père enfin tu verras.

Il est là à scruter le temps
Où ton regard se tournera
Pour évaluer autrement
La vie qu’il t’a voulu donner.

Sa peine s’apaisera enfin
Son cœur en fera tout autant
Quand tu joueras au survenant
De retour après tout ce temps.

Ce jour-là n’hésite surtout pas
Pour célébrer sans faux-fuyant
Reviens te jeter dans ses bras
Qu’il te tend sans ressentiment.

Jocelyn Girard, 3 avril 2019

Puisque je ne peux plus t’aimer

Pour certains êtres déchirés par le trouble de l’attachement,
L’amour des proches est souvent plus ravageur que guérissant.

Je t’ai pris dès lors que fût décidé ton projet de vie.
Tu es entré dans la mienne telle une flèche perçant mon cœur,
Me rendant accro à toutes tes petites manies.
Depuis ce jour, j’étais à tes côtés pour consoler chacun de tes pleurs.

Pour tenter d’éviter que tu sois, comme un autre de mes gars,
Écorché par le trouble de l’attachement,
Je me suis collé à toi, te prenant constamment dans mes bras.
Tu ne détestais pas, tu en étais même friand jusqu’à pas longtemps.
Les heures à te bercer pour que tu trouves enfin le sommeil
Ont creusé en mon âme le sillon de ta présence perpétuelle.

Ton développement serein fût notre priorité.
C’est ainsi qu’il fût décidé de déménager
Dans une maison chaleureuse qui deviendrait ta terre,
Un jardin immense pour te permettre d’explorer,
Une école tout près pour te donner de la stabilité
Et où tu puisses être entouré d’amis qui deviendraient des frères.

La vie s’est chargée de faire tournoyer tous ces rêves échafaudés.
Cela a commencé très tôt, par de petits soubresauts,
Des comportements inquiétants qui nous ont conduits aux gens de métier.
Fasciné par le jeu d’échecs, tu nous as tous devancés et de trop.

Si tôt survenue, l’adolescence t’a donné de nouveaux moyens,
Pour faire éclore ce qui, depuis toujours, semblait ton destin.
C’est par cette porte qu’il a resurgi, comme un triomphe attendu,
Le trouble de l’attachement que nous croyions exclu.

Aujourd’hui, te manifester que tu es aimé,
Provoque en toi plus de souffrance que de bonté.
On nous invite à la neutralité : surtout ne pas montrer que nous sommes liés,
Encore moins que tu nous manques, pour éviter de te troubler.

D’une crise à l’autre, de menaces à d’autres, de blessures en blessures,
De fugues à colères plus graves encore,
Tu sembles te diriger vers des drames plus durs,
Dont les conséquences t’éloignent sans cesse de notre bord.

Désormais il y a des mots que je ne peux plus dire,
Ces mots qui pour tant d’autres ont l’heur de guérir.
Pour que tu puisses survivre à la peur de l’abandon,
Je me résous à la neutralité : ce sera ma nouvelle religion
Puisque même Dieu semble impuissant, avec sa Passion,
À te guérir de ce mal qui te pousse à l’autodestruction.

Autrefois tu étais un fils bien-aimé.
Désormais je te libère de mon amour.
Je m’en tiendrai à demeurer informé
Jusqu’au moment où ton être apaisé
Éclairera de nouveau mes jours.

Jocelyn Girard, 25 mars 2018

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La Passion du Christ selon Xavier