La vie avec un « bébé » de 12 ans…

Ce texte fait suite à Un oui doublement initié par nos enfants qu’il est préférable de lire avant… Pour un sommaire de tous les articles de ce blogue, on consultera Pour une lecture suivie de ce blogue.

Christian et son sourire ravageur

Le jour de son arrivée parmi nous, il ne nous a fallu que quelques minutes pour prendre conscience de l’ampleur des soins que le handicap physique de Cristi, que nous avions convenu d’appeler Christian, allaient exiger. Opéré à sept ans pour des séquelles de poliomyélite, Christian portait depuis une sorte de structure métallique au bas du corps, attaché à un corset rigide servant à garder sa colonne droite. Cet appareil devait peser au moins 10 kg. C’est beaucoup pour un enfant. Et difficile à décrire. C’était franchement émouvant de le voir déambuler avec cet attirail. Avec ses deux cannes canadiennes, il avait appris à marcher en balançant les deux pieds ensemble vers l’avant et en ramenant ensuite ses cannes. Il était très habile. C’était quelque chose à voir lorsque venait le temps de monter les escaliers. Après son premier souper, le soir de son arrivée, il fallait qu’il « grimpe » à l’étage, là où se trouvait sa chambre. Je le suivis et je constatai l’effort qu’il devait accomplir pour monter les marches une à une. Il devait « débarrer » le genou avec une main pour qu’il plie, le barrer de nouveau après avoir déposé le pied sur la marche suivante pour qu’il puisse se porter dessus, débarrer l’autre genou, etc. Chaque marche ainsi montée me donnait l’impression d’une conquête. J’avais conclu durant cette montée qu’il lui faudrait une chambre au rez-de-chaussée, ce que j’allais m’empresser de proposer à notre propriétaire dès le lendemain.

Christian avait bien mangé. Il était calme, mais très attentif à chacun de nos regards, ceux tendus vers lui comme ceux que nous échangions entre nous. Il nous scrutait. Il cherchait à nous deviner, probablement pour mieux nous « tester » plus tard. C’est ce qu’il avait le mieux appris de toutes ses années dans les diverses institutions. D’ailleurs, il a tout de suite compris que j’étais « celui du soir » quand je suis monté avec lui pour son bain et sa mise au lit. Céline serait donc « celle du jour ». C’est ainsi qu’il cataloguait les « intervenants » dans sa vie. Il y avait également ceux des autres lieux où il devait passer. Ainsi, la maîtresse d’école s’occupait des leçons. La psychologue scolaire s’occupait de ses sentiments. Le kinésithérapeute s’occupait de ses membres. Et nous, ses parents, devions nous occuper de l’amour qu’il n’avait jamais eu!

Enfin, des parents!

Christian avait rêvé depuis longtemps d’avoir des parents. Il s’était fait une image précise de ce qu’il en attendait: des pourvoyeurs d’amour. Donner de l’amour, c’est bien le rôle essentiel des parents. Mais encore faut-il avoir une idée de ce qu’est l’amour. Christian en avait observé des parents! Il avait vu qu’ils câlinent leurs enfants, qu’ils leur donnent des cadeaux, des surprises, des gâteries, etc. Il avait peut-être moins remarqué qu’ils les corrigent aussi parfois. Il n’attendait donc rien d’autre que ceci de notre part: des câlins et des gâteries. Le premier câlin qu’il fit à Céline, sa nouvelle mère, fut certainement décevant pour lui. Christian était pubère depuis un bout de temps. Il avait des gestes déjà ambivalents lorsque venait le temps d’embrasser une femme adulte. Céline a vite perçu que ce qu’il envoyait comme signal était tout simplement déplacé, mal ajusté à la relation fils-mère. Elle choisit délibérément de ne plus lui permettre de tels câlins. Christian a dû saisir assez vite cette prise de distance. Son désir de proximité se changea alors en colère, manifestée par de la provocation.

Dès qu’il le pouvait, Christian balançait des petites insultes à sa mère: « C’est dégueulasse ce que tu cuisines »; « Qu’est-ce que tu fais ici, à l’école, c’est pas chez vous »; « T’es une vraie teigne », etc.  Bref, tout ce qui pourrait donner à une mère le sentiment que « son fils » le déteste. Des six ans qu’il aura vécus avec nous, Christian n’aura jamais vraiment changé d’attitude envers Céline. De 12 à presque 18 ans, il aura usé de plusieurs formes de provocations. Son rythme en fut une des plus harassantes. Il n’avait qu’à le ralentir, prendre plus de temps qu’il ne faut pour accomplir une chose, par exemple dans la salle de bain, et il tournait tout le monde dans la maison contre lui. La provocation qui aura probablement touché sa mère le plus durement fut peut-être lorsqu’il lui cria, dans un élan de colère, « Je vais le tuer, ton mari. »

Donner une famille pour la vie

Le bilan que nous pourrions faire de l’adoption de Christian pourrait être assez partagé. Dès les premiers jours, Christian s’était mis à dos ses deux meilleurs alliés, ses frères adoptifs. Ceux-ci nous avaient confié que le Cristi rencontré à la crèche était bien différent du Christian qu’ils côtoyaient à la maison. Il se montrait gentil devant les gens et en notre présence, mais dès qu’il se retrouvait seul avec eux, il devenait tyrannique. Il avait réagi fortement lorsque la psychologue scolaire avait rapporté quelques éléments qu’elle avait perçus de ses premiers entretiens avec lui. Il s’était mis en colère contre Céline quand elle lui en avait parlé: « Ce qui se passe à l’école n’est pas de tes affaires ». Décidément, il avait tout à apprendre de l’omniprésence des parents dans la vie d’un enfant.

Nous avions planifié de venir passer nos vacances de Noël au Québec. Puisque Christian faisait partie de notre famille, il allait de soi qu’il nous accompagnerait. Pourtant, son comportement ne nous y incitait guère: quelle sorte de vacances passerions-nous avec un jeune qui a si peu de moyens d’adaptation sociale? Personnellement, je comptais sur ce voyage pour lui faire prendre conscience de ce qu’est une famille « élargie », c’est-à-dire avec des grands-parents, des oncles et tantes, des cousins et cousines, etc. Céline et moi venons tous les deux de grandes familles. Malgré l’automne particulièrement difficile qu’il nous avait fait vivre, et puisque nous nous étions engagés pour au moins un an avec lui, nous avons décidé de l’emmener.

La première rencontre avec ma famille fut un véritable ravissement pour Christian. Il faut dire que mes parents ont le sens de l’accueil. Nous n’étions pas venus au Québec depuis 18 mois. Nous avons donc été reçus avec tous les honneurs. Le premier soir, Christian était sous le charme de ma mère, au point où il réclamait littéralement qu’elle l’adopte plutôt que nous! Il s’était mis de nouveau à envoyer paître Céline. Ma mère ne voyait pas ce qui se tramait. Comme pour tous ses petits-enfants, elle ne voulait que « le gâter »! Je finis par lui parler en privé pour la mettre au courant de notre histoire récente avec Christian. Ma mère comprit qu’il y avait un enjeu majeur. Elle dit à Christian: « Tu sais, moi je n’aurais pas été capable de faire ce que tes parents ont fait en t’adoptant. Je te trouve très gentil, mais personne ici, sauf Céline et Jocelyn, n’aurait fait ce qu’ils ont fait. » On aurait dit que Christian, à ce moment précis, a pris la mesure de notre geste en sa faveur. Son comportement changea instantanément du tout au tout pour le reste de nos vacances. Il devint un fils pour nous deux. Le miracle s’était produit…

Ce changement a duré près d’une année. Nous avons vécu bien d’autres difficultés d’adaptation, mais en général, Christian était plus facile. J’ai accepté de devenir son tuteur légal. Le juge des tutelles lui a octroyé la nationalité française, ce qui rendait plus facile l’adoption plénière. Le 27 novembre 2002, nous comparaissions devant trois juges du Tribunal de Grande Instance de Valence qui nous accordaient cette forme d’adoption plutôt rare en France pour un jeune de cet âge. Nous avions dès lors les conditions remplies pour pouvoir ramener notre enfant avec nous au Canada, lors de notre retour prévu pour février 2003.

Dans son nouveau pays, Christian manifesta des attitudes parfois inquiétantes. Une évaluation en neuro-psychologie permit de déterminer qu’il présentait une déficience intellectuelle atypique. Il obtenait des scores impressionnants dans certains champs évalués, mais cotait pratiquement zéro en d’autres matières, surtout ce qui touche aux aspects pratiques de la vie courante et à la compréhension de vocabulaire. L’évaluatrice, aidée d’un spécialiste des jeunes fortement institutionnalisés, avait diagnostiqué une déficience intellectuelle de modérée à légère. C’est ainsi que nous pûmes commencer à recevoir des services en réadaptation. Mais elle parla également, en plus d’un trouble d’attachement sévère, d’une « empathie de type paranoïde », ce qui laissait présager les autres difficultés que nous avons connues.

Quelques semaines avant ses 18 ans, tout comme ses deux frères aînés, Christian entra dans une forme plus grave de comportements. Ses colères se faisaient plus fréquentes. Ses résistances à l’autorité étaient de moins en moins gérables. Ses cris stridents effrayaient les petits frères qui s’étaient ajoutés à la famille. Ses cannes devenaient des armes qu’il pointait contre sa mère qui ne parvenait plus à garder une certaine distance face à tout ceci. L’attitude de Christian était telle qu’il nous fallut demander un placement d’urgence. Il quitta donc la vie quotidienne avec notre famille en juin 2007. Depuis cette date, il a vécu dans trois résidences différentes. Nous cherchons toutefois à le rapatrier dans la région où nous habitons, car nous préférons avoir avec lui des rapports plus fréquents , qu’il vienne par exemple tous les dimanches à la maison.

Au-delà de ces troubles de comportement, Christian est un jeune homme touchant. Les personnes qui le découvrent et qui cherchent à le connaître voient à quel point il s’attache à ceux-ci. Il aime particulièrement les ambiances de fête et ne refuse jamais une sortie. Il connaît les paroles de dizaines de chansons et il danse d’une manière unique sur ses deux cannes. Il apprécie la nourriture. Ce qui me touche le plus? Chaque fois que nous lui demandons ce qu’il a aimé d’un moment passé avec nous, sa réponse est invariablementla même: « être avec vous ».

Six ans. C’est le temps qu’il passa avec nous. On pourrait dire que c’est si peu. Je me console en me convaincant de lui avoir donné ce que nous avions de mieux : une famille. Il a quatre frères, une mère et un père, des neveux et nièces, des oncles et tantes, des cousins et cousines, un grand-père et deux grands-mères… Nous avons fait ce que nous pouvions pour durer avec lui dans la vie de tous les jours, ce que peu de spécialistes croyaient possible lorsqu’ils se sont penchés tour à tour sur ce cas qu’ils ont tous aimé étudier. Aujourd’hui, Christian est un Girard, un nom qui l’inscrit dans une famille jusqu’à la fin de ses jours. Si nous n’avons pas réussi à le garder avec nous jusqu’à ses 25 ans, comme nous l’avions projeté, il a cependant des contacts fréquents avec nous. Il vient passer quelques jours à la maison lors des vacances. Il réclame de venir habiter à proximité, c’est sa demande la plus constante. Puissions-nous lui obtenir au moins cette opportunité…

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Pour avoir une idée du parcours de Christian en Roumanie et en France avant de nous rencontrer, Récit de voyage en France et en Roumanie – version Letter que nous avons écrit suite à un voyage vers ses origines. 

Un oui doublement initié par nos enfants

Le nouveau frère de Steve et Stéphan

Nous voilà en décembre 2000. Nous passions les vacances de Noël à Genève, dans une petite maison de L’Arche la Corolle qui nous avait été prêtée. Un groupe de L’Arche de la Vallée y était aussi, dans un foyer pas très loin, ce qui nous permettait de faire quelques activités en commun. Ces vacances avaient le goût de la détente. Nous ne disposions pas de grands moyens alors nous nous sommes concentrés sur l’essentiel: être ensemble, faire des sorties qui ne coûtent à peu près rien, voir du pays, rencontrer des gens, jouer. Nous apprécions ce temps qui nous permet de sortir de nos habitudes et des situations quotidiennes.

La question qui ouvre le coeur

Stéphan et Steve étaient détendus. C’était souvent le cas lorsque nous étions ensemble en vacances. Ils n’avaient peut-être pas besoin de s’opposer. Nous faisions des projets ensemble. Ils appréciaient. Un soir, nous étions là, les quatre, occupés chacun à faire ce qui lui plaît, l’un de la lecture, l’un du Game Boy, les autres un jeu de construction. Tout en étant ainsi chacun dans son truc, nous avions des bribes de conversation. Quand il était ainsi occupé, Stéphan était celui qui entretenait le plus ce genre d’échanges. Il posait des questions, attendait les réponses, parfois les contestait. Mais quand il était bien, posé, c’était toujours un moment agréable. Et voilà qu’il est venu à poser la question.

Papa, maman, est-ce qu’on ne devait pas avoir d’autres frères et soeurs? Pourquoi vous ne parlez plus d’une autre adoption?

Cette question, peut-être espérions-nous tous les deux secrètement qu’elle soit posée par l’autre partenaire! Depuis l’épisode de Vanessa, en 1995, nous étions restés chacun repliés dans nos blessures. C’était comme une crise de foi. N’ayant pas de réponse claire à nos pourquoi, nous avions cessé d’interroger la vie. Steve et Stéphan ont percé une brèche dans notre carapace. En réalité, nous étions prêts, l’un comme l’autre, à envisager de nouveau la possibilité d’un autre enfant, mais ni l’un ni l’autre n’en prenait l’initiative. Cette question de l’un de nos fils nous a obligés à sortir de notre mutisme et à en discuter. Quelle réponse lui donner? Répondre par une question! Et vous, vous en pensez quoi d’avoir un frère ou une soeur? La réponse unanime fut sans équivoque: oui, nous en voulons!

La porte grande ouverte, il était clair que nous étions nous-mêmes tous les deux prêts à considérer un nouveau projet d’adoption. Nous sommes donc revenus de ces vacances déterminés à prendre des informations sur la possibilité pour des étrangers comme nous d’adopter dans le pays où nous vivions.

Pas celui-là!

Nous avons appris le fonctionnement et les règles pour adopter en France. Notre statut d’étranger n’était pas un obstacle. Nous avons donc entamé les démarches en vue d’obtenir un agrément. Nous voulions tous les deux un enfant de moins de deux ans. Vivant à L’Arche, auprès d’adultes présentant une déficience intellectuelle, nous avions manifesté notre ouverture à un enfant qui pourrait avoir un tel handicap, notamment une trisomie 21. Les évaluations allaient bon train. Nous étions confiants. Lors de nos vacances d’été, nous avions passé près d’un mois en Bretagne, dans un foyer prêté par L’Arche le Caillou blanc, à Quimper. Encore là, avec nos deux gars, nous avions vécu des moments très intéressants, apaisants, même, après les difficultés rencontrées en cours d’années.

Au retour, nous avions décidé de passer faire une visite dans une crèche tenue par une petite association d’adoption d’enfants différents (Vivre en famille). Le rendez-vous avait été pris. Édith Labaisse, présidente et directrice nous y attendait. Elle nous reçut en entrevue qui dura plus d’une heure. Nous étions embarrassés car elle ne cessait de nous parler d’un jeune de presque 12 ans, d’origine roumaine, qui était là depuis peu. Cristi avait été accueilli en France à l’âge de sept ans pour des soins médicaux et chirurgicaux. L’un des derniers enfants du régime de Ceaucescu, Cristi avait vécu la surpopulation des orphelinats en Roumanie, dans le département de Mehinditi, dans l’ouest. Victime de la poliomyélite, une maladie dont la Roumanie nie l’existence, aujourd’hui encore, alors que des enfants comme lui en furent diagnostiqués lorsqu’ils furent accueillis en France, ce dernier n’avait aucune chance d’être placé en famille d’accueil. Il ne marchait pas et parlait très peu la langue. Une association française, SERA (Solidarité Enfants roumains abandonnés) l’avait repéré dans son orphelinat et avait préparé sa venue en France afin d’y être soigné. Le projet pour ces enfants consistait à ce qu’ils soient placés dans des familles d’accueil françaises et qu’ils puissent y vivre le plus longtemps possible, tant que des soins étaient nécessaires, y compris psychologiques, ce qui signifie « longtemps »! Cristi avait vécu six mois dans une telle famille, mais le projet avait avorté, car la famille n’avait pas résisté au trouble d’attachement sévère. Il fut donc placé en institution quelques années et ensuite relogé au sud de la France, dans le Lozère à Montrodat, perdant ainsi toutes les relations qui lui restaient dans la région parisienne. C’est ce placement qui avait mis en colère Me François de Combret, président de SERA, qui avait alors mis toute son influence pour que Cristi soit ramené dans une association qui chercherait résolument à le replacer en famille.

Et voilà que nous correspondions exactement aux critères que cette femme s’était fixés, à savoir une famille dans laquelle Cristi ne serait pas le seul enfant adopté ni l’aîné. Nous avions des jumeaux adoptés, aînés de 15 mois de Cristi. Autant dire que la Providence nous avait choisis! Mme Labaisse nous a donc parlé de cet enfant qui l’avait touchée droit au coeur et pour qui elle voulait une famille. Céline lui a dit à plusieurs reprises durant l’entretien que nous étions là pour voir des bébés trisomiques! Pas un grand comme ceux que nous avions déjà… Nous avons découvert au fil de notre passage à cet endroit que nous étions vraisemblablement au coeur d’une mise en scène très bien rodée. À un moment, nos jumeaux ont été invités à quitter le bureau où se déroulait l’entretien pour aller rejoindre Cristi qui se ferait un plaisir de faire visiter le domaine. Par la suite, on nous conduisit à la crèche, mais les enfants étaient à la sieste à cette heure-là. Il nous fallait donc patienter en prenant une collation (le fameux « 4 heures ») en compagnie de qui, vous devinez, Cristi et deux éducatrices chargées de nous le décrire favorablement. Il était sur son 36. Il était souriant. Il s’exprimait très bien et poliment. Il m’a touché, moi aussi, directement dans le coeur. Mais je voyais et sentais que Céline n’était pas du tout au diapason. Finalement, nous avons pu aller voir quelques bébés en attente de famille. Nous les avons trouvés mignons, comme n’importe quel nourrisson que nous avions déjà vu ou bercé. Nous étions satisfaits et confortés dans notre choix de demeurer ouverts à un enfant comme eux.

Lorsque nous avons quitté les lieux, Stéphan et Steve nous ont interrogés de nouveau:

– Vous n’avez pas emmené Cristi avec nous?

– Euh… Pourquoi?

– Bien, vous nous avez adoptés, il a besoin d’une famille, pourquoi ne l’adoptez-vous pas, lui aussi?

C’était un véritable coup de poing de la part de nos enfants. Leur question nous est restée comme coincée entre les dents. Nous avons roulé la moitié de la route nous ramenant à la maison. Nous devions nous arrêter dans un Formule 1 (petit hôtel avec des chambres pour personnes miniatures). Nous y étions entassés, les quatre. Ni Céline ni moi n’avons vraiment dormi cette nuit-là. Nous avons discuté. Céline disait non, pas question. Je disais oui, pourquoi pas. Le soir suivant, de retour à la maison, elle finit par dire oui. J’appelai Mme Labaisse pour lui faire part de notre ouverture. Elle me proposa d’en parler moi-même à Cristi. Je lui annonçai donc que nous étions d’accord pour l’accueillir chez nous. Il répondit alors:

– Est-ce que c’est pour toujours ou seulement pour quelque temps?

Là encore, j’étais foudroyé. Quelle pertinence! Je ne pus que lui répondre:

– Nous ne pouvons pas nous engager pour toute la vie. Nous avons besoin de nous connaître et de voir comment nous allons pouvoir vivre ensemble. Je te propose de venir au moins une année et nous déciderons ensemble.

Il a dit « d’accord ». Une semaine plus tard, le 22 août 2001, nous étions tous les quatre à l’aéroport de Lyon (photo) pour accueillir un nouveau membre de notre famille, un « bébé » qui allait avoir 12 ans, moins d’un mois plus tard.

Notre nouvelle vie allait elle aussi chavirer nos habitudes et nous solliciter au-delà de nos capacités apparentes d’adaptation. Mais ça, c’est une autre histoire!