L’Arche, lieu de conflits

Pardon et fête

Avant le pardon, il y a les conflits…

Les gens qui assistent à des conférences de Jean Vanier sont généralement touchés par les expériences qu’il raconte. Tout en révélant les dons extraordinaires pour la relation des personnes « ayant un handicap mental » comme il les appelle, Jean n’hésite jamais à parler de conflits et de tensions vécus dans la communauté. Pourtant, lorsque nous recevons de ces mêmes personnes dans nos communautés, elles sont les moins préparées du monde à concevoir qu’elles pourraient, elles aussi, être éprouvées d’une quelconque façon par des conflits. Pour être un « lieu de pardon et de la fête » (titre d’un des premiers livres de Jean Vanier), il faut bien qu’il se passe des choses à pardonner!

Je voudrais donc ici raconter deux histoires que j’ai vécues et qui m’ont particulièrement été pénibles pour une raison commune: l’impuissance. Il arrive ainsi parfois que le rôle que nous avons à jouer dans un conflit ne permet pas d’en arriver à une résolution satisfaisante. Il faut soit laisser à d’autres la responsabilité de faire le travail, soit se résigner à laisser le temps faire les choses…

Une histoire de harcèlement

À Montréal, nous avions un petit atelier qui accueillait entre sept et 11 personnes durant le jour. Quand je suis arrivé dans le rôle de directeur, l’équipe de l’atelier avait vécu le départ récent de sa responsable pour des raisons de maladie. L’équipe était composée de trois personnes. Après un certain temps, une responsable d’origine hongroise fut nommée comme responsable. Nous désirions ardemment que les intervenants de notre centre de jour soient clairement « membres » de la communauté. La responsable nommée avait cependant une sensibilité à fleur de peau avec tout ce qui s’apparentait à l’autorité, probablement due à ce qu’elle avait vécu des restes du communisme dans son pays d’origine. Nous avions défini un cadre plus souple lui permettant de vivre son « engagement » selon son rythme propre. Elle faisait équipe avec une autre femme, P., et un homme dans la jeune trentaine, M. C’était un homme très intelligent et bien formé, mais il avait tendance à critiquer et à médire certains des autres membres de la communauté. Les conversations sur base de rumeurs et même de mensonges étaient donc très fréquentes dans l’équipe, car M. se plaisait à les alimenter. Les accusations qu’il lançait contre l’un ou l’autre parmi les intervenants de la communauté devinrent de jour en jour plus graves. La responsable, formée dans un pays où l’on ne doit rien dire sur les autres par crainte de représailles, se mit à être effrayée non seulement par les affirmations de M. mais également de bien d’autres membres de la communauté que M. calomniait à outrance. Elle finit par oser venir m’en parler ouvertement, ne comprenant pas qu’on laisse de telles accusations vraisemblables circuler sans faire enquête et prendre des mesures punitives.

J’étais abasourdi de découvrir tout ce que cet homme faisait courir sur le dos de mes collègues et peut-être sur moi également. Je l’avais rencontré à une ou deux reprises pour lui rappeler que ce genre de propos n’était pas acceptable dans la communauté et qu’il devrait se rétracter s’il propageait des mensonges. Il avait fait mine de s’y engager. Mais la situation s’aggrava au point où la peur était devenue intenable au sein de l’équipe. Je dus me résoudre, soutenu par le conseil d’administration, à le congédier. Tout semblait sous contrôle. Le calme revenait peu à peu dans l’équipe d’atelier.

Mais M. montra alors son vrai visage. C’était un homme mentalement déséquilibré. Il se mit à envoyer des cartes postales à caractère pornographique dans les foyers, accusant l’un ou l’autre d’être gay et de ne pas oser l’admettre et faisant des allusions évasives qui pouvaient porter préjudice. Ces cartes étaient envoyées « à l’air libre » et donc le contenu choquant (tant les photos que les textes incendiaires écrits de sa main) pouvait être aperçu par quiconque allait récupérer le courrier de la maison. De plus, de nombreux appels téléphoniques mystérieux commencèrent à se produire très fréquemment auprès de quatre personnes dont la responsable de l’atelier. C’était devenu complètement obsessionnel. Les quatre victimes devenaient certaines inquiètes, une autre terrorisée, une autre encore colérique. Nous dûmes donc porter plainte au service de police, plainte qui fut entendue et jugée. Les victimes se résolurent, sur proposition de l’avocat de l’agresseur, de lui laisser une chance en acceptant un compromis à condition que l’intimé ne s’approche aucunement des plaignants pendant un an et qu’il cesse toute forme de harcèlement. M. souhaitait cette entente et les quatre victimes avaient exprimé leur accord, car leur intention n’était pas que M. soit condamné, mais qu’il reconnaisse ses torts et qu’il en profite notamment pour se donner un suivi psychiatrique.

Nous avions cru à tort que tout était enfin terminé. M. trouva une nouvelle astuce. Il déposa une plainte en bonne et due forme au Centre de réadaptation Lisette-Dupras (CRLD) avec une accusation d’attouchement sexuel contre un responsable sur une personne adulte présentant une déficience intellectuelle profonde. L’Arche-Montréal n’avait pas développé de liens très significatifs avec le CRLD à l’exception de quelques individus dont le directeur général. Celui-ci ayant quitté, il ne restait plus d’interlocuteurs qui pouvaient un peu comprendre les particularités d’une « communauté » entourant des personnes vulnérables comme le veut la structure de L’Arche. Le CRLD, qui était responsable du contrat d’accueil des personnes fréquentant l’atelier, procéda donc rapidement à la mise en cause de notre intervenant et à une enquête fouillée. Bien entendu, j’ai tenté d’expliquer la genèse de ces accusations et qu’il y avait tout lieu de croire en une manoeuvre de vengeance du plaignant. Rien n’y fit. L’enquête fut donc menée. L’homme accusé était un membre de L’Arche depuis près de 30 ans. Il avait fondé une communauté dans un pays de l’Hémisphère sud où sa réputation avait toujours été intacte après 25 ans de direction. À Montréal, il était un véritable soutien pour moi et je pouvais lui confier des missions que seule une personne d’expérience comme lui pouvait mener avec succès. J’étais troublé par le malheur qu’il devait subir en raison de la malveillance d’un autre. Comme directeur, je devais laisser passer l’équipe d’enquêtrices qui allait poser des questions sur lui, semant ainsi le doute autour de sa personne. Nous avons dû annoncer à toute la communauté ce qui arrivait tout en réaffirmant notre confiance totale envers lui. Mais une telle manoeuvre de harcèlement faisant jouer des structures d’autorité finit par user une personne même moralement sans faille. L’homme en question devint plus sombre, plus réactif. L’enquête finit par conclure par un non-lieu. Mais le mal était fait… La personne accusée prit du temps à retrouver peu à peu sa joie de vivre. Mais elle avait connu une expérience d’avoir été accusée à tort, comme tant d’autres le sont aussi dans la société. Elle pouvait dire: « Maintenant, je sais. »

M. reprit ses appels anonymes un certain temps, mais il finit par s’épuiser ou trouver une autre victime à harceler. Ce fut une expérience profondément douloureuse à accompagner, étant si impuissant à aider plus que je ne l’ai fait…

Une histoire qui a mal tourné

Ce qui suit est plus délicat à raconter. Les personnes concernées sont toujours bien vivantes et encore très engagées au sein de L’Arche. Je le fais avec précaution, non pas pour reprocher quoi que ce soit à quiconque, mais pour illustrer comment on arrive parfois à l’impasse malgré la volonté de réparer et se réconcilier.

Parmi les assistants long terme de L’Arche-Montréal figurait un couple quasi-mythique. Le mari occupait à l’époque l’un des postes les plus visibles au sein de L’Arche international. On peut dire qu’après Jean Vanier, bien que toujours vivant et encore influent, ce personnage fait partie d’un petit groupe sélect de gens qui agissent en tant que porte-parole, représentants, rassembleurs et porteurs de la vision. Cet homme était membre de L’Arche depuis plus de 30 ans quand j’ai pris la responsabilité de la communauté à laquelle il était rattaché. Il avait pratiquement toujours occupé des rôles d’autorité. Son épouse, elle-même à L’Arche depuis plus longtemps encore, l’avait toujours soutenu dans ses différents rôles, mais n’avait jamais été nommée en tant que tel dans une responsabilité « majeure ». Tout en prenant soin de ses trois enfants, elle avait été de tous les évènements internationaux et avait participé à des instances diverses. Cette femme aux multiples talents était reconnue tout autant que son mari à travers toute la Fédération de L’Arche…

À l’occasion de l’une de mes toutes premières rencontres communautaires, en mai ou juin 2003, je crois, ce couple était venu participer à la soirée avec « leur » communauté. Je les connaissais autrement, surtout lui, ayant collaboré à un comité de communications lorsque j’étais en France. Quand j’ai pris la parole ce soir-là, j’ai mentionné leur présence comme « de la belle visite ». Je n’avais aucune arrière-pensée, j’étais heureux de les voir parmi nous. Mais puisque c’était leur première présence ensemble depuis février, mon intervention a pu avoir l’air déplacée, comme si je ne les considérais pas pleinement en tant que membres (et pourtant ils l’étaient bien plus et surtout depuis bien plus longtemps que moi!). Je n’ai su que plusieurs semaines plus tard que je les avais blessés. L’homme était occupé à bien d’autres priorités de L’Arche dans le monde. La femme avait une implication importante dans la communauté. Elle faisait partie du conseil communautaire (sorte de comité de direction) et était responsable du comité de vie spirituelle. Elle avait une relation privilégiée avec deux femmes avec un handicap de la communauté qu’elle prenait souvent chez elle. Elle venait aussi à l’atelier pour soutenir et parfois pour réaliser des projets artistiques avec les « usagers ». Bref, une personne vraiment appréciée. Ma coordinatrice régionale m’avait appris que le couple s’était senti humilié lors de cette fameuse soirée communautaire. Elle m’indiqua que je n’avais pas pris la peine de rencontrer individuellement la femme, comme j’avais annoncé que je ferais avec tous les ALT. Je crois que le délai pour cette rencontre était dû surtout à des raisons pratiques: elle n’était pas « visible » dans mon environnement quotidien comme la plupart des autres. Après toutes ces années, je ne vois toujours pas d’autres raisons, sauf peut-être que je ne sentais pas d’atomes crochus entre nous, mais j’avais des perceptions semblables avec d’autres et cela ne m’avait pas empêché de les rencontrer pour autant.

Cette histoire peut paraître banale. Et elle l’est. Mais elle a possiblement contribué à une suite de faits aux conséquences de plus en plus importantes. Cette ALT a commencé d’abord par se retirer progressivement des comités dont elle était membre, y compris le conseil communautaire. J’ai bien tenté de la retenir, mais elle ne voyait plus quelle place elle pouvait y occuper. C’est plus tard que la vraie crise éclata. Une histoire de reconnaissance. En janvier 2005, elle demandait par courriel à participer à une activité de ressourcement et souhaitait que la communauté en assume les frais. Son statut formel dans la communauté, selon nos procédures internes, voulait qu’elle en assume elle-même les coûts, si possible. Nous avions révisé tout cela quelque temps auparavant. Par équité avec d’autres, ce fut la réponse que le conseil communautaire choisit de lui donner et que je me chargeai de transmettre. Mauvaise réponse! Le conflit surgit soudainement. Elle nous reprochait de ne pas tenir compte de son ancienneté, de tout ce qu’elle avait porté sans rien demander en retour (et c’était vrai). La discussion n’était plus possible. Elle et son mari finirent par demander un retrait d’appartenance d’abord provisoire qui se transforma en définitif par la suite. Le conflit s’envenima lorsque le mari en ressentit lui-même les conséquences dans son couple et dans la confiance qu’il avait en L’Arche et ses structures pour que des anciens comme sa femme soient écoutés avec bienveillance dans l’expression de leurs besoins. Toutes les demandes de médiation de la part de la communauté et de moi-même furent refusées, le couple n’étant pas « prêt » à revenir sur ces évènements.

L’attitude de suspicion à mon endroit gagna d’autres membres de la communauté, mais plus encore de l’extérieur, car ceux-là ne connaissaient pas l’origine du conflit et étaient plus enclins à compatir avec le couple d’anciens. Partout où j’allais, je me voyais comme avec une étiquette sur le front : « Voici celui qui a provoqué un conflit qui a causé la rupture d »appartenance de untel et unetelle, des membres de L’Arche depuis 35… 40 ans! » Avec l’épouse, nous n’avons plus jamais eu aucun contact, à la suite d’une dernière tentative de dialogue avec le conseil communautaire. Quant au mari, peu de temps avant mon départ annoncé comme directeur, donc en 2010, il m’offrit de participer à la médiation que j’avais demandée depuis plusieurs mois. Nous avons eu deux séances. Après la première, nous avions l’impression que nous pourrions, un jour, « aller prendre une bière ensemble, éventuellement ». Après la seconde, sa colère avait resurgi et la conclusion ne laissait plus vraiment de place à d’éventuelles retrouvailles. J’en fus complètement peiné, car tout en reconnaissant mes maladresses et les choix que nous aurions pu faire autrement, il semble bien que le mal produit ne permettait pas d’en arriver, « si tôt », à une réconciliation.

Je raconte tout ceci parce qu’on voit souvent L’Arche comme étant une communauté exempte de conflits et où tout le monde vit en harmonie. Au contraire, sans doute en raison de l’attente qu’ont les gens de trouver cette paix, les conflits font partie de la vie quotidienne à L’Arche. Le plus souvent, le pardon est une voie possible qui est encouragée non seulement sur un plan moral, mais par des procédures concrètes lorsqu’il le faut. Mais j’ai dû me résoudre à admettre, comme bien d’autres avant moi, que parfois le pardon n’est pas prêt à être accordé. Celui des deux qui le voudrait ne peut donc pas y parvenir tant que l’autre ne le veut pas! Bien des années plus tard, je reste marqué par une phrase de la coordinatrice de L’Arche au Canada: « Jocelyn, parfois il faut renoncer à devancer par des procédures ce que seul le temps parvient à faire. » C’est là où j’en suis: dans le temps du non-pardon et de l’attente. Et j’en souffre encore.

Que le cauchemar commence!

Ce texte fait écho à Vie de « familles » à Ville-Émard qu’il est préférable de lire avant celui-ci. On peut aussi consulter le sommaire Pour une lecture suivie de ce blogue

Lorsque je repense à notre arrivée à Montréal, me revient à l’esprit cette impression de vivre en état d’urgence. Un tourbillon d’état d’urgence. Un cauchemar… Je me revois à l’hôpital avec François, écrasée dans un fauteuil, me faisant réveiller à tout moment pour me faire poser mille questions. J’étais en plein décalage horaire et je n’arrivais pas à rester éveillée. Je n’arrive pas à me rappeler combien de jours nous y sommes restés: cinq? sept? Sais plus. Ce dont je me souviens c’est de ne pas avoir eu le temps « d’atterrir ». Je me rappelle être entrée dans la maison de la rue Dumas et de la (mauvaise) surprise de constater à quel point j’étouffais dans cette minuscule  maison. Je me souviens aussi de la « déconfiture » des jumeaux qui ont dû dormir au sous-sol, dans un bazar pas possible… Quel choc !!! Ce n’était pas du tout à ça que je m’étais préparée. La maison n’était pas affreuse, mais après avoir vécu plus de 4 années dans d’immenses maisons entourées de grands espaces verts, on se sent plutôt comme un lion en cage dans une petite maison à Ville-Émard !!! Et que dire de la ville: OUF! Non, décidément, j’étais plongée en plein cauchemar et j’allais finir par me réveiller ! Lors du voyage de retour de notre premier séjour à Saguenay, je me souviens encore de l’angoisse qui m’avait envahie lorsque nous avons franchi le Pont Champlain. C’était aussi oppressant qu’une crise de claustrophobie dans un ascenseur. Je n’aimais définitivement pas la ville de Montréal et même si au cours des années je me suis habituée à cette vie citadine, je n’aimais toujours pas la ville…

Une des choses à laquelle je n’ai jamais réussi à m’habituer, c’était de perdre de vue les garçons dès qu’ils mettaient le pied dehors. Ne pas savoir où ils étaient, ce qu’ils faisaient, avec qui ils étaient, m’était insupportable. Comment ne pas devenir constamment angoissée par le fait de ne plus rien contrôler de leur vie à l’extérieur de la maison. J’aurais dû faire confiance, mais j’en étais incapable. Ils découvraient un tas de réalités auxquelles ils n’avaient pas été préparés eux non plus. Comment les guider, les conseiller, les aider à développer leur sens critique, apprendre à faire les bons choix? Ils n’écoutaient déjà plus leurs « vieux » parents qui ne « comprenaient-rien-à-la-vraie-vie » ! Comment les préserver de tous les dangers potentiels ? Ils avaient une telle soif de liberté… J’avais constamment la peur qu’un agent de police sonne à la porte pour me prévenir de la mort de l’un d’eux. C’était ATROCE. Je me suis mise à faire de plus en plus d’insomnie… Je suis devenue de plus en plus épuisée. C’était véritablement cauchemardesque!!! Il y avait aussi François qui nécessitait tellement de soins à la maison et de suivis médicaux de toutes sortes. C’était difficile de conserver mon énergie et ma quiétude.

Avec Christian, au début ce ne fut pas trop difficile. Nous avions conçu un aménagement facilitant son autonomie pour le déjeuner et le départ à l’école le matin. Mais peu à peu, après la première année, les choses ont commencé à se dégrader avec lui aussi. Notre relation est devenue de plus en plus conflictuelle… C’est très dur de se sentir autant détestée. Et Christian me donnait cette impression d’être une méchante sorcière… Et je crois qu’avec lui, je le suis finalement devenue  peu à peu! Aujourd’hui je comprends – et j’accepte mieux – que notre relation ne pouvait pas vraiment être celle d’une maman avec son fils puisque je n’avais pas eu avec lui ce temps pour l’attachement que j’ai eu avec les autres. À 12 ans, la maman commence à prendre une distance nécessaire avec son enfant pour le laisser grandir. Et Christian lui, voulait être un bébé, comme François. Un bébé que j’aurais cajolé, embrassé, pouponné ! Comment répondre à son besoin d’être aimé tout en mettant la distance physique nécessaire entre une mère et son fils ??? Cette question me taraudait et nous en souffrions tous les 2. Il a lentement développé envers moi une telle colère, que nous avons dû demander un placement d’urgence pour éviter qu’il ne finisse par me frapper. C’est malheureux et je le regrette beaucoup, même si je sais que c’était nécessaire pour tout le monde. François et son petit frère (notre prochaine histoire d’adoption !) étaient terrorisés par les violentes colères de Christian. Je n’ai jamais cessé de ressentir tristesse et déception… Je suis profondément déçue de ne jamais avoir pu l’aimer comme une maman. Et même si j’arrive tant bien que mal à me pardonner, cette douleur à mon coeur de mère ne s’efface pas.

Heureusement, à travers toutes ces intempéries, François était notre rayon de soleil. Il continuait de nous éblouir de ses sourires et notre attachement à lui était notre regain d’énergie. Je trouvais extraordinaire de constater que prendre soin de lui me donnait de l’énergie. Morale du moins. Et on sait que le moral arrive à maintenir l’énergie physique pas trop mal.

Avec les jumeaux, ce qui m’aidait à tenir le coup, c’est que nous arrivions tout de même à trouver des temps d’échanges paisibles. J’allais régulièrement leur faire de petites visites sur « leur territoire »… À la pénombre du soir, nos échanges dans leur chambre étaient pour moi nourrissants. Ils me permettaient de pouvoir encore les regarder comme de vrais êtres humains et pas comme ces horribles monstres qu’ils me donnaient à voir!!!

Ce qui est étrange, c’est de me dire que si j’avais à revivre tout ça, dans le même contexte d’âge et d’ignorance du futur, je le referais. Non parce que je suis masochiste, pas le moins du monde! Mais parce c’est la foi qui m’a permis de passer à travers ce cauchemar. Mon « OUI » au Père, à chaque instant. Mon « oui » à travers mes larmes. Mon « oui » à travers les doutes. Mon « oui » à travers les peurs. Mon « oui » à travers la souffrance de ne pas être la mère que j’aurais voulu pour mes enfants. Mais surtout et par-dessus tout : mon « oui » à travers cette petitesse qui me faisait avoir besoin de mon Dieu. Être petite et vulnérable devant Lui est ce qui m’a sauvée. Il est Grand… Il est Fort et Tout-Puissant : j’en suis la preuve vivante ! Sans lui, je sais avec autant de certitude que j’ai de foi que je serais six pieds sous terre…

Vie de « familles » à Ville-Émard

Ce texte fait suite à Quand les miracles s’accumulent et à bien d’autres récits que vous retrouverez dans le sommaire Pour une lecture suivie de ce blogue

Des rénovations pour que maman aime sa maison!

Après les péripéties de notre départ de la France et toutes les émotions vécues, il fallait bien nous installer dans notre nouveau chez nous. Nous avions passé notre première semaine québécoise chez notre ami, Michel Doucet, avant d’obtenir les clés de notre nouvelle maison, au 6090 rue Dumas, dans le quartier Ville-Émard de l’arrondissement Le Sud-Ouest. Notre conteneur arriva comme prévu le 1er mars, ce qui nous permit de nous installer dans nos affaires. Passer de la campagne, avec des champs de tournesol et de blé plein la vue et se retrouver tout à coup coincés dans une petite maison carrée typique de Montréal, avec une arrière-cour qu’on peut franchir en cinq pas, cela représente tout un changement. Céline, qui n’avait vu la maison que sur photos, ne put cacher sa grande déception. J’étais bien malheureux d’avoir choisi une maison qui ne lui plaisait pas. Je tentai de la convaincre qu’il faudrait bien s’y faire, mais je n’y parvins pas. Il fallut beaucoup l’améliorer avec les années pour qu’elle finisse par s’y sentir bien…

Le principal avantage était sa proximité avec mon lieu de travail. Les bureaux de L’Arche-Montréal étaient situés sur le boulevard Monk, à 10 minutes de marche de notre maison. Par la suite, la communauté a loué un presbytère pour y emménager bureaux et atelier, et là, il fallait moins de deux minutes pour franchir la distance de notre résidence. Pour Céline, cette proximité contribua à lui faire apprécier notre lieu de vie, car au moindre appel je pouvais surgir en moins de temps qu’il fallait pour raccrocher le téléphone! Elle gardait la voiture à la maison bien qu’au début elle ne voulait jamais la conduire en ville, à cause du stress occasionné par le trafic, l’impatience, etc. Nous avons fini par tracer quelques trajets qui lui évitaient d’emprunter des voies rapides. Elle pouvait progressivement aller seule aux différents rendez-vous de prise en charge pour nos enfants.

Mauvaises surprises

Steve et Stéphan allaient avoir 15 ans. Leur motivation pour l’école était à son plus bas. J’avais rencontré le directeur de leur école secondaire lors de ma venue en septembre. Il m’avait assuré que, dès notre arrivée, mes enfants prendraient place dans leur nouvelle école. Il ne fallait qu’une simple évaluation de leur niveau et le tour serait joué. Cela valait pour Christian également, même si pour lui l’école spécialisée serait naturellement le choix convenable. Mais il devait tout de même y être référé. Lorsque je me suis présenté à l’école avec mes trois gars, au début mars, on me dit qu’il fallait rencontrer le conseiller d’orientation. Celui-ci nous fit part qu’il était débordé à cette époque de l’année et qu’il ne pourrait pas procéder à l’évaluation avant plusieurs semaines! À ce moment précis, on aurait dit que mon pouvoir de persuasion avait disparu. Pas moyen de faire autrement. Nos gars resteraient sans rien à faire, dans un environnement qu’ils ne connaissaient pas, pendant des jours et des jours… De plus, lorsque le temps fut venu pour cette fameuse évaluation de leur niveau celle-ci allait s’écouler en plusieurs séances sur quelques jours ouvrables, à cheval sur deux semaines. Il fallait donc planifier chacune des séances avec ce monsieur peu sensible à la réalité que nous vivions.

Ainsi laissés à eux-mêmes, disons, pour faire court, qu’en moins d’une semaine les jumeaux avaient fait plusieurs nouvelles expériences que la ville peut procurer en concentré à des adolescents. Ce genre d’expériences qui font peur à tous les parents, mais qui n’arrivent généralement pas toutes en même temps! Nous étions complètement démunis et constamment sur leur dos. Ce n’est qu’à la mi-mai qu’ils purent enfin intégrer l’école. Ils avaient pris de très mauvaises habitudes. Cette année scolaire, avec changement de pays, arrivée dans une grande ville, peu d’encadrement (François était hospitalisé tous les mois pendant plusieurs jours et je devais m’intégrer à un nouveau travail et un nouvel environnement), fut une véritable catastrophe pour eux. L’année suivante ne ferait que consacrer leur statut de décrocheurs irrécupérables.

De son côté, Christian intégra un peu plus tôt l’école secondaire Joseph-Charbonneau, spécialisée pour enfants avec un handicap physique, mais avec des classes pour d’autres besoins spéciaux. Lui aussi, avec son bagage historique très lourd, ne fit pas de cadeau à ses éducateurs. Pendant les sept années qu’il allait fréquenter cette école, aucune ne se passerait sans que des plans d’intervention serrés, des accompagnements réguliers, des retraits fréquents et des conditions parfois très strictes ne soient mis en place pour assurer qu’il poursuive son parcours scolaire. Très rapidement, Christian put être vu en évaluation neuro-psychologique. Le diagnostic de déficience intellectuelle atypique de moyenne à légère nous confirma qu’il aurait besoin d’accompagnement toute sa vie, car il ne serait sans doute jamais apte à une certaine autonomie.

Céline vécut ces mois en étant toujours sur le qui-vive. L’arrivée à Montréal n’avait rien de commun avec celle que nous avions vécue à Hauterives, en France. Là-bas, nous avions senti un véritable esprit communautaire surtout de la part de plusieurs « membres à long terme ». À Montréal, la directrice de la communauté, Agathe, faisait bien tout ce qu’elle pouvait pour nous accommoder, nous guider, nous soutenir. Elle fut très importante pour ouvrir des portes. Les responsables des cinq foyers nous avaient tous préparé un repas chacun pour nous aider à nous installer. Ce n’est donc pas tant la communauté elle-même qui était moins accueillante, mais plutôt nous, comme famille, qui n’étions pas en mesure de nous intégrer aussi naturellement qu’à L’Arche de la Vallée. Nos jumeaux n’étaient plus à un âge où on pouvait exiger qu’ils participent aux activités communautaires. Céline était souvent fatiguée, avec les soins à donner à François et tous les suivis qui se mettaient en place autour de lui (ergothérapie, physiothérapie, neurologie, pédiatrie, ORL, et plus tard les chirurgiens!). Trop fatiguée pour assurer l’encadrement de nos enfants lors des activités de la communauté où, comme directeur, j’avais souvent à assumer un rôle. Bref, hormis Christian qui se plaisait beaucoup dans les activités de la communauté et qui m’y accompagnait joyeusement, j’étais relativement seul à m’investir dans ce groupe.

L’Arche-Montréal

Avec les personnes fréquentant notre atelier, peu de temps après notre déménagement au « presbytère »

Vivre à Montréal n’était franchement pas un choix du coeur. Lorsque nous avions laissé entendre aux gens de L’Arche que nous désirions rentrer au Québec, nous avions offert notre disponibilité pour rejoindre l’une des huit communautés, selon le besoin. Isabelle Robert, qui était la « coordinatrice régionale », avait exploré avec moi par téléphone quelques pistes, mais son intuition la faisait constamment revenir vers Montréal. Comme d’autres communautés, celle-ci avait connu sa part de manques au niveau des « assistants », forçant d’autres communautés à en « prêter » pour quelques mois. C’est une pratique fréquente à L’Arche de partager nos ressources, même quand on n’en a pas en surplus. Les manques avaient également conduit la directrice, Agathe, religieuse et donc célibataire, à combler plusieurs fois des besoins dans les foyers. Quelques années de ce régime avait affecté la présence de L’Arche-Montréal au sein des tables de concertation sectorielles et locales. Isabelle voyait pour la communauté un besoin de s’ouvrir, de rayonner, notamment en faisant l’acquisition d’un bâtiment plus adéquat qui permettrait d’en faire un lieu ouvert et chaleureux. Elle voyait en moi les qualités qui permettraient à la communauté de faire ce travail.

Comme pour bien d’autres choix que nous avons faits, celui-ci n’était pas notre préférence. Mais étant donné notre disposition intérieure, nous avons rapidement dit oui à l’offre de venir à Montréal. Personnellement, je m’y suis senti très vite chez moi. J’ai beaucoup aimé les personnes présentant une déficience intellectuelle. Plusieurs d’entre elles m’avaient « choisi » au-delà du fait que je leur étais en quelque sorte imposé. J’y retrouvais le même accueil inconditionnel qui fait qu’on s’attache à L’Arche parfois pour ne plus jamais la quitter! Cette communauté étant officiellement bilingue, cela m’a permis de bien améliorer mes capacités de communiquer dans cette langue. Durant les sept ans et demi que j’ai été responsable de cette communauté, je me suis pris d’une affection sans borne pour un grand nombre de membres et d’employés. Je ferai peut-être un chapitre sur certains d’entre eux pour leur rendre hommage, car ils ont contribué à leur manière à façonner l’homme que je suis devenu grâce à eux, surtout en me permettant de toucher à ma vulnérabilité.

Des maladresses

Même si j’avais déjà une expérience de plus de quatre ans dans un rôle identique à L’Arche au sein d’une communauté française, je n’ai pas réussi à éviter quelques maladresses dont une, en particulier, qui aura été néfaste pour moi et beaucoup d’autres, dans les années qui ont suivi. À mon arrivée, Agathe demeurait en poste comme directrice, ce qui me permit d’avoir du temps pour connaître la communauté. La transmission de la responsabilité aurait lieu le 30 mars, au coeur d’une retraite communautaire. J’avais indiqué à tous que je prendrais le temps de rencontrer chacun des membres, en particulier les « assistants long terme » (ALT) de la communauté pour un échange avec eux sur leur expérience et leur vision de la communauté. C’est ce que j’entrepris de faire, à travers le reste des tâches. Les ALT à L’Arche forment un groupe particulier. Ce sont tous ceux qui sont enracinés dans L’Arche, normalement depuis plus de cinq ans, parfois plus, selon les communautés*. Ils ne sont pas une instance formelle, mais un directeur ne peut agir sans impérativement tenir compte de leur existence et s’en faire des alliés… C’est ce que j’avais appris à L’Arche de la Vallée, sans y parvenir complètement. Ce n’est pas vraiment simple.

Le mandat communautaire qui est normalement confié à son responsable spécifiait que la communauté devait s’ouvrir et rayonner. Quand je suis arrivé, on m’a confié rapidement les clés d’un bâtiment que le conseil d’administration venait tout juste d’acquérir en vue d’y déménager les bureaux, l’atelier et le centre de jour. Il devait aussi servir aux rencontres communautaires et celles où la communauté accueillait des gens de l’extérieur (au moins une fois par mois). Dès la visite d’un architecte que j’avais embauché, je sus que ce bâtiment ne conviendrait jamais à nos besoins tant il était en mauvais état. Les rénovations qu’il aurait nécessité dépassaient largement le coût de son acquisition, ce qui n’était pas envisageable pour la communauté. Avant de nous retrouver à la rue, il nous fallut donc trouver un lieu pour se rabattre et je le trouvai dans un presbytère inoccupé, de la paroisse St-Jean-Damascène. Après un an de location, il nous vint à l’esprit que nous pourrions offrir à l’Archevêché de Montréal de s’en porter acquéreur ainsi que de l’église, dont la taille était relativement petite pour une église catholique. Il nous fallut encore deux ans pour arriver à accomplir cette transaction qui engendra un nombre important de frustrations chez les anciens de la communauté. Ceux-ci, en fait, ne s’étaient pas sentis consultés ni respectés dans leurs résistances face au choix de ce lieu spécifique. Il faut dire que l’église et le presbytère étaient convoités par d’autres groupes et que nous nous serions retrouvés de nouveau à la rue à un moment ou l’autre. De plus, ce secteur de la ville est déjà si dense qu’il est très difficile d’y trouver un espace à construire ou un bâtiment existant qui aurait correspondu à nos besoins. En tant qu’ancien « homme d’affaires », j’avais sans doute la propension à décider rapidement et à entreprendre aussitôt. Ce passage laissa des marques assez lourdes dans la perception qu’avaient les ALT de la communauté de ma personnalité.

Avec la situation de conflit qui perdurait avec l’une des ALT et ce projet que j’avais mené en traversant plusieurs difficultés d’ordre financier, légal, foncier (zonage) et patrimonial, l’aspect consensus faisait encore un peu défaut, surtout chez les plus anciens de la communauté. Bref, à la fin de mon premier mandat de quatre ans, nous vivions une réelle crise de confiance. Le nouveau coordinateur régional, Éric Bellefeuille, devait mener le processus de sélection du responsable de la communauté pour les quatre années suivantes. Il avait notamment rencontré le groupe des ALT lorsqu’était pour vérifier leurs perceptions à mon endroit au cas où je serais appelé de nouveau à être le responsable de cette communauté. Ce qu’il entendit le troubla au point où, le lendemain, il m’appela pour me faire part d’un consensus assez clair de la part des membres de ce groupe qui ne me voyaient nullement être reconduit dans ma fonction. Éric m’offrait de retirer ma candidature discrètement afin de m’éviter de ne pas être choisi au cours du processus de discernement. Bien que d’entendre tout cela me perturba sincèrement et me peina tout autant, ma réponse fut simple: « Je reste au service de L’Arche et centré sur mon appel à suivre Jésus. Si la communauté veut en appeler un autre pour être son responsable, je ne ferai aucun blocage. Je fais confiance au processus de discernement. Quant à toi, fais ton boulot! » Éric fut touché par cette réponse. Il me fit part de son admiration pour ce qu’il nomma comme une preuve d’humilité.

Le processus de discernement se mit donc en marche et, au final, c’est bien à moi qu’il fut demandé de porter la responsabilité pour un second mandat… Avec une incitation à être davantage à l’écoute des membres et un mandat beaucoup plus posé, de l’ordre de la consolidation après tous les changements que nous avions vécus. De plus, je serais évalué annuellement, ce qui est moins la norme après un premier mandat (j’en avais fait deux en comptant celui de la France). Bref, j’étais sous surveillance! Dans un autre billet, je raconterai quelques souvenirs de situations délicates et de moments fantastiques.

* Les ALT ont plus ou moins été remplacés par ce qui a été désigné comme les membres « confirmés », incluant non seulement les assistants, mais également les personnes présentant une déficience intellectuelle engagées à L’Arche depuis environ huit ans.

Quand les miracles s’accumulent

4 jours avant le notre départ, déjà mal en point

Cet article fait suite à Un vrai bébé pour colorer notre vie. Pour un sommaire de tous les chapitres, veuillez consulter Pour une lecture suivie de ce blogue

François était dans notre vie depuis trois mois et déjà nous nous préparions à quitter la France pour notre nouveau chez nous, Montréal. La communauté de L’Arche-Montréal nous y accueillerait et je prendrais la succession de la directrice d’alors, Agathe Dupuis. En septembre 2002, j’avais passé une semaine à Montréal pour me familiariser avec la communauté qui fêtait son 25e anniversaire et, surtout, pour procéder au choix d’une maison pour notre famille dans le quartier où j’aurais à travailler, histoire de ne pas avoir besoin d’une deuxième voiture.

Le vendredi 15 février 2003, une semaine avant de prendre l’avion, l’entreprise de déménagement était venue déposer un conteneur de 30 mètres cubes que nous avions rempli à pleine capacité. Notre appartement étant vidé, nous nous étions alors réfugiés dans un gîte pour y passer notre dernière semaine. Le weekend fut très stressant. François n’allait de nouveau pas très bien. Il ne retrouvait pas rapidement ses réflexes suite au traitement contre le Syndrome de West et il développait probablement une autre bronchiolite. Ce n’était vraiment pas le moment d’envisager une hospitalisation, à quelques jours de notre départ. Céline tentait de le dégager plusieurs fois par jour, avec des  techniques de clapping et avec la fameuse « mouchette » pour tirer les sécrétions.

Une situation catastrophique

En fait, en fin de journée, le vendredi, je me suis mis à douter des démarches que j’avais entreprises pour emmener avec nous nos deux enfants Français au Canada. J’ai alors appelé à l’Ambassade du Canada pour être rassuré. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est produit. Quand j’ai raconté l’histoire de nos adoptions, la personne à qui j’ai parlé m’a demandé si j’avais obtenu les permis de séjour provisoire pour mes enfants. Euh… Non! Je venais de comprendre que quelque chose de grave allait se passer.

Dans la folie des derniers mois, l’adoption de Christianle placement de François, les nombreux échanges de documents avec les services adoption, les deux hospitalisations de François, le suivi des grands à l’école, la transaction à distance pour une maison, l’achat d’une voiture usagée qui nous attendrait sur place, le travail à terminer bien entendu, j’avais oublié une chose essentielle: les démarches d’immigration au Canada. Depuis le début, je m’étais concentré sur les procédures d’adoption. J’avais demandé à Me Dandavino, l’avocate montréalaise, si j’avais d’autres choses à faire pour l’adoption et je me rappelle qu’elle m’avait dit que tout avait était réglé! Mais elle parlait d’adoption, pas d’immigration. J’avais donc omis ces formalités, à mon grand désarroi, car la personne de l’ambassade me dit qu’il fallait généralement un an pour les compléter. Elle m’avertit vigoureusement: « Ne tentez surtout pas d’entrer au Canada avec deux enfants qui n’ont pas leur permis de séjour, ils seront refoulés sur un vol de retour, sans droit d’appel! »

Donc, ce vendredi-là, soit 7 jours avant notre rentrée au pays, je venais d’apprendre que deux de mes enfants ne pourraient venir avec nous. Vous pouvez imaginer mon état de panique à ce moment précis. Le soir venu, au gîte, je fis un appel à Agathe, la directrice de L’Arche que je devais remplacer pour lui faire part de notre malheur. Elle me dit qu’elle en parlerait au responsable de L’Arche Canada, car c’est à ce  niveau des structures que les ententes liées à l’immigration d’étrangers à L’Arche sont mieux connues. Je n’avais jamais rencontré Zoël Breau, mais depuis ce jour-là, son nom est resté bien gravé dans ma mémoire! Ce dernier m’appela durant le weekend, le dimanche soir, je pense. Il avait une piste. Le père d’une des personnes accueillies à l’Arche-Montréal était un député fédéral, M. Clifford Lincoln. Il me fit part d’un appel qu’il avait laissé à son bureau. Il y avait peut-être un peu d’espoir…

Lundi en début d’après-midi, j’avais un rendez-vous très important avec le président du Conseil général de la Drôme, à Valence, pour discuter des besoins de L’Arche de la Vallée. Le président et le vice-président de notre conseil d’administration m’accompagnaient pour plaider en faveur de notre établissement. En pleine séance de travail, je reçus un appel du Canada. Je quittai sans ménagement le lieu de réunion en m’excusant à peine. M. Clifford Lincoln, député fédéral, était à l’autre bout du fil. Il me demanda gentiment: « M. Girard, qu’est-ce que je peux faire pour vous aider? »

Je lui fis part de tout ce qui nous arrivait. Il me promit qu’il demanderait à son attachée politique de consacrer tout son temps dans les jours qui suivraient afin de nous aider. Celle-ci m’appela plus tard, en soirée et prit toutes les informations utiles. Le lendemain, mardi après-midi, elle me fournit une liste de tous les papiers déjà formalisés qu’elle pourrait transmettre au bureau du ministre de l’Immigration. Je procédai avec la plus grande diligence: preuves de notre situation, documents d’adoption, démarches prouvant notre bonne foi, une lettre qui confirmait que je n’avais plus d’emploi à partir du vendredi, que tous nos effets personnels avaient quitté le territoire, que nous avions procédé aux démarches d’adoption sans nous soucier du versant immigration, que nous avions des billets d’avion « aller seulement » et non remboursables, etc. Il y eut d’autres appels, on lui demandait des précisions que je devais lui expliquer clairement. En soirée, l’attachée me rappela une dernière fois pour me dire qu’elle avait fait tout ce qu’elle pouvait pour tenter de convaincre le bureau du ministre de nous accorder une permission spéciale pour entrer au pays. Elle m’avertit pour me dire qu’il n’y avait pas vraiment de chance pour que ça marche, puisqu’il s’agissait d’une procédure exceptionnelle utilisée dans des cas d’extrême urgence. Il fallait attendre la décision. Stress intense. Prières…

Le mercredi, rien de toute la journée, décalage oblige. En toute fin d’après-midi, alors que j’étais à transmettre à mon successeur tout ce que je pouvais au sujet de la communauté dont j’avais pris soin depuis quatre ans, je reçus un appel du consulat canadien de Paris. L’agente me demandait de me présenter le lendemain avec des photos d’identité de mes deux enfants. Il était déjà trop tard pour faire ces photos car tout était fermé pour la soirée et la nuit. Il me fallait attendre au lendemain matin pour aller le plus tôt possible faire les photos avec les enfants, les ramener à la maison, aller prendre le TGV à 11h afin d’être à Paris en début d’après-midi. Une véritable course contre la montre. Après avoir réussi à faire les photos, j’appelai à l’ambassade pour avertir du moment de mon arrivée. La dame me dit alors que le bureau consulaire serait fermé comme à chaque après-midi et qu’il me faudrait donc venir le vendredi. Je lui répliquai que notre vol était le vendredi matin et qu’il était impossible à modifier. Elle me dit alors qu’elle ne pouvait plus rien pour moi. Je me rappelle d’avoir pleuré au téléphone, avoir prié le ciel de m’aider pour la convaincre de trouver une autre solution. Je ne sais par quel miracle, mais elle finit par me dire: « Monsieur, je vais faire pour vous une chose que je ne fais jamais, je vais rester au bureau pour vous attendre afin de vous rendre ce service. » Ouf!

Je vins donc comme prévu le jour-même. Je complétai toutes les formalités, des formulaires longs à remplir. J’y passai tout l’après-midi et déposai le tout à l’endroit spécifié. Il me fallait attendre. Je fus convoqué, vers 16h30 par l’agente consulaire qui m’avait accordé le privilège de rester pour moi. Elle me remit des documents signés par le ministre de l’Immigration qui allaient me permettre, au pays, d’obtenir des « Permis de séjour provisoire pour motif humanitaire ». Une fois tout accompli, alors que je la remerciais encore, elle me demanda: « Je peux vous poser une questions? En 12 ans, je n’ai jamais eu à faire ce que je viens de faire pour vous. Nous n’avons jamais délivré de tels permis durant toutes ces années. Pouvez-vous me dire quelle est votre relation avec le ministre Coderre qui nous a imposé cette procédure? Je lui répondit simplement: « Avant aujourd’hui, madame, je ne connaissais même pas le nom de notre ministre de l’Immigration! » Elle répliqua: « Comment alors avez-vous fait? » Je répondis en levant les yeux vers le ciel: « Il doit y avoir un bon Dieu pour des gens comme nous! » J’avais les larmes aux yeux. Je suis persuadé qu’elle fut touchée au coeur…

Un ange…

Une dernière photo avant de quitter la France

Le vendredi matin, notre avion partait de Lyon en matinée. Des amis avaient réquisitionné un camion de L’Arche pour nous conduire à l’aéroport. Au moment d’enregistrer nos bagages, nous avons voulu faire monter notre chien, Milou, bien installé dans sa cage de transport. L’hôtesse nous dit alors que notre correspondance à Londres imposait une quarantaine pour notre animal qui ne pourrait donc pas nous suivre jusqu’à Montréal avant quelques semaines et moyennant beaucoup d’argent… Nous avons pris notre chien, lui avons dit au revoir (imaginez la peine des enfants…) et l’avons confié à nos amis en leur disant qu’on y verrait plus tard.

Nous sommes montés dans l’avion et là, dès le décollage, Céline et moi avons éclaté en sanglot. Cette semaine avait été si intense, si anxiogène, que nous avions l’impression d’avoir raté nos adieux à toute la communauté. Nous quittions une famille, une bonne centaine de personnes que nous avions côtoyées, aimées et desquelles nous nous étions sentis réellement appréciés. C’était atroce.

Nos peines n’étaient cependant pas terminées. François était souffrant. Ses difficultés respiratoires nous inquiétaient. Nous avions gardé la poussette avec nous pour l’embarquement car nous souhaitions l’utiliser à Heathrow pour le déplacement vers notre vol intercontinental. Je demandai à l’hôtesse en débarquant où je pourrais la récupérer et elle m’orienta vers le comptoir de réclamation des bagages. J’installai toute la famille, Céline et les quatre enfants, dans un couloir en leur demandant de m’attendre. Je les quittai tous en emportant avec moi tous les passeports… Or, la zone de bagage était à l’extérieur de l’espace international. Je demandai à récupérer ma poussette, mais je ne connaissais pas le nom anglais pour la décrire! Les gens à qui je parlais n’ont jamais compris ce que je leur demandais. Je finis par renoncer. Ce n’était qu’une poussette après tout. Je tentai alors de revenir en arrière pour retrouver ma famille, mais un géant me bloqua l’accès et me repoussa vers la sortie. Je tentai de lui expliquer que ma famille était là, juste à côté, à m’attendre, sans succès. Je dus donc quittai l’espace de récupération des bagages. Je me retrouvai alors dans un immenses centre commercial (je ne sais si vous connaissez cet aéroport, c’est l’un des plus grands du monde, une vraie jungle pour un gars perdu). Comment faire pour entrer de nouveau dans l’espace international et retrouver le chemin jusqu’à ma famille?

J’étais paniqué, comme une poule sans tête. Je courais dans tous les sens. Je ne voyais plus rien qui ressemblait à une indication pour m’orienter. Et là, je me rappelle comme si c’était hier, je me suis arrêté. J’ai baissé la tête et j’ai crié (je pense avoir crié): « Seigneur, viens à mon aide, je suis perdu ». J’ai vu apparaître à cet instant deux pieds devant moi. J’ai relevé la tête. Il y avait un homme. Très grand. Mes yeux se sont arrêtés à la hauteur de sa poitrine. J’ai vu un pin sur lequel il était écrit: « You need help? » Un ange m’était apparu. Je lui ai dit « You’re an angel! » Il m’a souri. Je lui baragouinai en anglais ce qui m’arrivait. Il ne m’a pas demandé de répéter. Il a dit simplement « Follow me ». Il me conduisit vers les mesures de sécurité, passa devant tous les passagers dans la file d’attente, présenta sa carte aux contrôleurs qui me firent passer devant tous les autres, me posa une question relativement à l’origine de mon vol, et m’amena directement dans le couloir où m’attendait ma famille. 45 minutes s’étaient écoulées. Je le remerciai du plus profond de mon coeur et il disparut rapidement. Nous étions sur le point de manquer notre correspondance. Il nous fallut courir à toutes jambes pour accéder à notre rampe de départ. Le pauvre Christian avec ses deux béquilles canadiennes, n’avait jamais couru comme ça de toute sa vie! Sur le chemin, je le pris sur mon dos à quelques reprises pour aller plus vite encore. J’étais essoufflé comme un marathonien à la ligne d’arrivée. Nous sommes parvenus à rejoindre notre vol, juste à temps, on nous attendait… Miracle? Quoi d’autres alors?

Et encore…

Nous étions enfin sur le vol transatlantique. Cette fois-ci, c’était pour vrai que nous rentions. François était vraiment mal. Nous avions hâte que le supplice aérien se termine, car avec sa difficulté à respirer, la pression devait le faire souffrir encore davantage. À notre arrivée à Montréal, il fallait passer par les douanes afin d’obtenir le fameux permis de séjour pour nos deux enfants. Deux heures encore d’attente. J’ai plaidé notre cause et celle de notre enfant malade pour que les choses s’accélèrent, mais la douanière, sévère, me répondit: « Monsieur, vous avez le privilège d’entrer au Canada, ce n’est pas quelques minutes de plus qui vous feront mal. Veuillez reprendre votre place dans la file. » Le douanier qui nous remit nos documents nous regardait étrangement… Il devait bien se demander qui nous étions pour être admis au Canada avec des permis si rares pour nos enfants spéciaux.

Cela faisait déjà plus de 15 heures que nous avions quitté notre gîte. Nos trois grands avaient été exemplaires de patience et de compréhension. Dès que nous avons pu quitter la zone des douanes canadiennes, nous avons rencontré Agathe, la directrice de l’Arche-Montréal, venue nous accueillir avec Lynn et Jadwiga, deux femmes présentant une déficience intellectuelle. Quel bonheur de voir ces gens, un indice de toute la chaleur humaine que nous trouverions dans la communauté. Il y avait aussi Rémi, le frère de Céline et sa conjointe Nathalie qui étaient venus nous livrer notre voiture, une Mercury Villager 1995, achetée via Internet. Rémi n’avait pas pensé que nous aurions autant de bagages et avait laissé les pneus d’été dans la voiture! Nous avons chargé tous ces bagages littéralement sur nos enfants pour réussir à tout emporter. Heureusement, il ne fallait que 45 minutes pour nous rendre à Boucherville où nous attendait Michel, un ami que nous avions connu en France et qui avait accepté de nous héberger quelques jours, le temps de pouvoir emménager dans la maison que j’avais achetée quelques semaines plus tôt. Nous étions le vendredi soir. Le lendemain, après une très courte nuit sans sommeil, surprise : ma mère et ma soeur étaient venues nous dire bienvenue au pays et me souhaiter bon anniversaire (eh oui, c’était mon anniversaire le 22 !). Nous étions vidés de fatigue. Mais François était malade et avait besoin de soins. Encore là, Agathe nous vint en aide. Un ancien administrateur de L’Arche-Montréal était médecin. Elle l’appela pour lui demander ce que nous pouvions faire. Il nous pria de venir chez lui, à sa résidence, où il put ausculter sommairement François. Il téléphona à l’urgence de l’Hôpital Ste-Justine pour les avertir que nous venions avec l’enfant, en profondes difficultés respiratoires. Dès notre arrivée à l’hôpital, François fut accueilli et hospitalisé. Lorsqu’il fut installé et pris en charge, on me demanda d’aller faire les formalités d’admission…

Nous n’avions, bien sûr, pas eu le temps de faire les démarches pour obtenir nos cartes d’assurance-maladie, un samedi en plus! On m’indiqua que la facture s’élèverait déjà à plus de 1600 $ et on me donnait jusqu’au lundi midi pour régulariser la situation… Tout en accompagnant François à l’hôpital, Céline et moi devions nous occuper des autres garçons, laissés à eux-mêmes chez notre ami. Le lundi matin, nous nous sommes dirigés avec les trois grands vers le bureau de la Régie de l’Assurance-maladie du Québec. Une autre surprise nous y attendait. Un permis de séjour provisoire ne permettait pas d’émettre une couverture d’assurance-maladie pour des étrangers. L’agente était formelle. Céline, nos deux Canadiens et moi-même purent obtenir nos cartes, mais pas Christian ni François. Dans un moment d’inspiration, je sortis la lettre que le directeur général de la RAMQ avait rédigé pour donner à la France la garantie de couverture maladie qui avait été requise. Je plaidai encore une fois la cause de mes deux enfants adoptés. On me rétorqua qu’il s’agissait d’une lettre générique qui ne précisait pas que c’était en faveur de mes deux enfants. Je répondis à l’agente que nous ne serions pas venus au Canada si ce document n’avait pas été émis en garantie de couverture! Elle eut un doute et décida d’aller parler à un responsable. Nous avons patienté, un certain temps, interminable. Elle finit par revenir avec son responsable qui nous demanda de répéter, encore une fois, notre interprétation de la lettre fournie.  Je lui dit avec force: « Demandez à votre grand patron lui-même ce qu’il voulait dire lorsqu’il a rédigé cette lettre! Nous avons fait toutes nos démarches pour venir ici avec la garantie que nos enfants seraient couverts. » Et comme on lui mentionna que François était hospitalisé, il dut y avoir un petit doute assorti d’une dose de compassion. Le responsable donna l’ordre à l’agente d’émettre les cartes. Nous étions sauvés, une fois de plus…

Première photo en sol canadien

Si vous n’avez pas la foi et ne croyez pas aux miracles et si vous avez lu ce témoignage jusqu’à la fin, vous ne pouvez pas ne pas en être troublé. Céline et moi sommes croyants. Lorsque nous avons dit oui à l’adoption de Christian et François, nous avions la conviction que les obstacles se pousseraient devant le passage de la Providence divine. Depuis la surprise de découvrir Christian alors que nous cherchions un bébé, les obstacles se sont bel et bien éliminés l’un après l’autre, non sans combat ni des tonnes de démarches à accomplir, mais nous nous retrouvions au Canada, dans notre nouveau chez nous, avec tous nos enfants. Une semaine avant, rien ne permettait d’imaginer que cela était possible… Nous n’avions aucun plan B. À vous de décider si tout ceci n’est qu’une série de hasards ou bien une intervention divine au coeur de notre histoire. En ce qui nous concerne, nous savons et nous rendons grâce…

PS: Pour ceux et celles qui veulent connaître la suite pour notre chien Milou, sachez que nos amis Ghislaine et Jean-Marc lui ont trouvé une famille d’accueil où il est resté jusqu’à la fin de sa vie. Il n’est jamais devenu Canadien!

Il m’a donné d’être une vraie mère (écho)

Ce texte fait suite à Un vrai bébé pour colorer notre vie qu’il est préférable d’avoir lu avant. Pour un sommaire de tous les articles, consulter Pour une lecture suivie de ce blogue.

Que dire de différent à propos de l’adoption de François?

J’ai vécu les événements à peu près comme Jocelyn. Je me rappelle ce fameux coup de fil de M. Alingrin, nous annonçant qu’il avait un petit garçon trisomique… noir. Je me souviens avoir eu envie de dire oui de suite, mais d’avoir pris le temps de me demander si je disais oui de peur de ne pas avoir d’autre proposition avant de quitter la France, ou que mon oui était sincèrement profond. Je crois que pour être « vraie » dans une démarche d’adoption, on se doit de rester ouvert à accueillir autant un garçon qu’une fille. Et c’est dans cette disposition du cœur que je me suis placée, dans la foi. J’ai prié, j’ai sondé mon cœur… Et le OUI est venu, naturellement, sans le forcer.

Aussi, lorsque je suis revenue vers Jocelyn pour lui partager ma réflexion, c’était comme si François faisait déjà partie de notre famille. Il était déjà mon enfant. C’est un sentiment très fort que celui qui nous anime lorsqu’on « adopte » un enfant dès la proposition. C’est très certainement aussi fort que ce moment magique où une femme apprend qu’elle est enceinte. Et cet enfant, même si on le « perd », sera le nôtre pour toujours, comme dans le cas d’une fausse couche.

Le jour de la rencontre de François fut pour moi un jour de joie, teintée quand même d’inquiétude. Rien ne peut nous préparer à l’avance à ce qu’on devra traverser pour rendre un enfant à sa vie d’adulte. Et encore moins quand cet enfant a une particularité qui nous est totalement inconnue ! Mais malgré tout, même aujourd’hui, sachant tout ce que nous avons dû traverser d’épreuves et de maladies avec François, je ne regrette rien et je redirais OUI encore une fois !

Ce que François m’a permis de découvrir est précieux pour moi. Je n’avais jamais encore très bien compris cet amour inconditionnel que les autres parents portaient à leurs petits. Non pas que je n’aimais pas les jumeaux. Mais l’attachement était différent. Et c’est l’arrivée de François qui m’a permis de le découvrir. J’étais fascinée de ressentir un attachement à ce petit être tout fragile et vulnérable à mesure que je lui prodiguais des soins. C’était donc ça le « secret » : ce qui nous pousse à aimer nos enfants d’un amour vrai et fort se révèle à travers les soins quotidiens. Je ressentais fortement un « instinct » protecteur, comme une poule couveuse ! J’avais envie de le protéger de tout malheur, de rendre sa vie la plus confortable possible et ça me procurait tellement de joie ! Je n’en revenais même pas. Voilà la sorte d’amour que François m’a permis de découvrir. Et pour ça, je lui en serai toujours redevable.